Ce matin-là les trois mamies dégustaient leur café turc tout en discutant gaiment de leurs derniers achats de lingerie et Lili, la première, étonna ses copines en remonta son T-shirt pour montrer les jolies dentelles de son mini soutien-gorge noir.

Lili est suisse, calme, tranquille, habillée toujours en bleu marine et détestant le moindre changement dans sa vie. « A l’aide, les filles, je dois déménager » – Super, lui crie la plus combative d’entre elles, tu vas changer tes vilains meubles bruns (comme tu les appelle). Tu peux te le permettre, tu vas retrouver une deuxième jeunesse dans un nouveau quartier ! Désespoir de Lili. Mais tout n’est pas perdu ! Une année plus tard, après la mort bienvenue d’un vieux locataire, Lili grimpe d’un étage et installe le vieux mobilier de famille exactement à la même place… où ses ancêtres l’avaient amoureusement installé bien avant sa naissance… Sans doute, elle dispose dans les tiroirs les serviettes et les services de table dans le même ordre qu’avaient toujours gardé les femmes de sa famille.

Et puis il y a Talia, la roumaine qui tient sa petite tasse de café avec élégance, ses longs cheveux blonds coulant en vagues sur les épaules, façon Dalida. Elle a presque quatre-vingt ans mais on lui en donnerait soixante à soixante-cinq. Elle est mince, charmante, très cultivée, généreuse, mais elle vit dans le passé, au temps de sa splendeur lorsque, comptable de métier, elle défilait comme mannequin au Bon-Génie… Outrée que l’on puisse lui proposer de ne plus teindre ses cheveux, de faire une petite coupe moderne et de changer de look. Lorsque on part en voyage, à six heures du matin à l’aéroport, elle est déjà parfaitement maquillée, fond de teint, blush, etc. etc. et d’une élégance classique.

Bon, les filles, dit la maîtresse de maison, puisque vous insistez chaque fois pour regarder mon tiroir à lingerie si bien rangé, je vais vous raconter une histoire. Et, d’abord, qui veux un petit Limoncello ?

Non, non, une histoire d’abord !