Ces Petites Perles De Bonheur Qui Jalonnent La Vie

Et voilà, le car repart dans un soupir de moteur avec tous ses voyageurs. Qu’elle est belle cette route du Tyrol, avec ses forêts de grands arbres dorés, sous le soleil d’automne. Des feuilles se détachent en douceur et se posent sur les vestes et casquettes comme une caresse. A travers les arbres, scintille la neige des hautes montagnes et le ciel est d’un vif azur.

Un vrai succès touristique pour cette Agence de Voyages qui, avec ses autocars luxueux et ses chauffeurs compétents, promène sa cinquantaine de clients heureux. «Bonjour. Bonjour. Vous avez vu quel temps magnifique ! » et les visages s’illuminent d’un grand sourire. La randonnée s’organise dans la forêt et les petits vieux marchent avec enthousiasme. Je les appelle « petits vieux » car je les aime tous, ces papis et ces mamies qui à 85 ans et plus ont conservé une joie enfantine dans le regard et piétinent enthousiastes les abondantes feuilles mortes du chemin. Je pense à tous ces autres petits vieux, pas des retraités, non, mais des refugiés qui traversent mers et pays inconnus pour continuer à survivre… La Suisse est un pays qui protège et dorlote ses aînés au mieux. Mais il paraît que pour le Quatrième Age c’est le Danemark le pays d’Europe le plus heureux.

Parmi cette foule de voyageurs, une dame attire mon regard. Un beau visage intelligent, plein de rides qu’elle assume très sûre d’elle. Des magnifiques yeux au regard perçant et une abondante chevelure noire corbeau. Trois fines mèches blanches s’enroulent avec élégance sur le haut de son front. Autour du cou, un foulard en mousseline vert pomme très printanier, étrange parmi toutes ces écharpes grises, brunes et fades de son entourage. Quelques heures plus tard, on bavarde, mon siège étant tout près du sien et elle me présente l’amie de toujours assise à côté d’elle, si tranquille et discrète qu’on ne la remarque pas tout de suite. Tout de beige vêtue, élégante et menue contre la vitre.

Plus tard, au souper, nous nous trouvons à la même table : nappe blanche, serviettes amidonnées, bruit festif dans la grande salle à manger, personnel en costume tyrolien qui met en valeur les jolis seins et les sourires des jeunes serveuses. Et là, je reste ébahie devant la façon parfaite et le grand naturel avec lequel cette petite dame manie les couverts, porte sa serviette aux lèvres, repose son verre de vin, tient ses coudes près du corps… La voix douce et souriante elle raconte qu’elle a été élevée au Pensionnat chez les bonnes sœurs où on lui a appris les bonnes manières… Elle s’appelle Diletta. Un poétique nom italien, qui n’est plus à la mode et qui veut dire « ma chérie » ou « ma bien-aimée » ou « chère à mon coeur ». Ou simplement « mon amour pour toujours » mais alors murmuré par un chevalier en cape et épée, style d’Artagnan.